mardi 15 mai 2012

Être technophile ou technophobe ?

Un des moteurs du progrès est l'utilisation de la technologie. Il y a bien évidemment différentes perspectives dans le rapport dialectique entre technologies (les philosophes parleront de la technique) et progrès. Dans la recherche de solutions dans le problème soulevé par le progrès la question de la technologie me semble centrale. Pour traiter du rapport entre technologie et progrès, j'exposerai dans cet exercice deux visions technophiles et deux visions technophobes. J'exposerai en troisième lieu un point de vue mitoyen pour terminer sur quelques questions fondamentales par rapport aux technologies.

1.1 La technophilie

La technophilie est présente de manière implicite, c'est un peu la norme sociétale actuelle, et de manière explicite. La première attitude que je nommerai technophilie néolibérale avance que le marché va développer les technologies qui vont permettre de nettoyer l'environnement ou encore de trouver une source d'énergie permettant de perpétuer le développement économique lorsque le pétrole aura atteint son pic de production ou encore lorsqu'il sera épuisé. Attitude naïve qui néglige bêtement le fait que le pétrole est la source la plus concentrée d'énergie à notre disposition. La deuxième attitude, l'hypertechnophilie, est représentée par la philosophie transhumaniste. Un des sous-courants transhumanistes croit, car ça relève bel et bien de la croyance, qu'une sorte de point Omega sera atteint bientôt : c'est la singularité technologique. À ce moment, une sorte de dieu numérique prendra en charge le fonctionnement de la société et grâce à son hyperintelligence artificielle sera en mesure de régler les problèmes de l'humanité. Tout en pensant que cette croyance est particulièrement farfelue, je crois que cette perspective proprement totalitaire est antiliberté et antihumaine.

1.2 La technophobie

La technophobie d'un autre côté implique une attitude de rejet par rapport aux technologies. Arne Naess,  philosophe norvégien, a proposé l'écologie profonde inspirée sur la philosophie romantique, et très critique de la technique, développée par le philosophe allemand Martin Heidegger, pour répondre à ce qu'il nomme l'écologie superficielle. En gros, l'écologie propose un rejet complet de la technologie, un retour à l'état de nature. Pour Naess, c'est la seule manière de pouvoir restaurer les écosystèmes. Une toute autre attitude est la fixation dans le temps qui est représenté par les Amish. Qu'ont fait les Amish au juste? Ils, probablement les hommes d'ailleurs, ont tout simplement décidés de ne pas progresser et de fixer leur mode de vie du 17e siècle. Ils ont fixé dans le temps leur développement, leur progression sociale. Je crois que ces deux attitudes peuvent être attirantes, mais elles sont,  à mon avis, anti-sociales.

1.3 Entre la technophilie et la technophobie?

Il ne faut pas perdre de vue que la technologie est à quelque part une prolongation de possibilités de l'être humain. L'ordinateur comme extension de l'esprit et la pelle mécanique comme extension du bras. Or, cette technologie est énergivore, donc entropique (voir le billet sur ce sujet). Autrement dit, l'augmentation de la  puissance d'action de l'être humain dans le cadre de la civilisation thermo-industrielle pèse lourdement sur les écosystèmes. Ceci dit, faut-il adopter un point de vue technophobe? À mon avis, ce n'est pas souhaitable, voire même que c'est contre-productif. D'ailleurs, Murray Bookchin écrivait dans Une société à refaire que la technologie pouvait être utilisée de façon à renverser l'entropie, soit de manière néguentropique. Ainsi, l'énergie aurait le potentiel d'être créatrice plutôt que destructrice. Proposition difficilement imaginable, mais ô combien séduisante, surtout venant d'un écologiste libertaire - les écologistes ayant généralement tendance à être technophobes. Le défi est immense car il faut prendre un tournant vers la production et la consommation via le développement d'énergies vertes, vraiment vertes. Défi immense certes, mais je crois qu'il faut évaluer la technologie d'un point de vue rationnel plutôt qu'un point de vue émotif ou encore fantasmagorique.

1.4 Quelques questions fondamentales en guise de conclusion...

Jacques Ellul, dans Le bluff technologique, posait en 1988 plusieurs questions pertinentes. Elles restent toujours d'actualité puisqu'elles sont toujours sans réponse :

- [...] allons-nous nous adapter physiquement, socialement, intellectuellement,  à l'informatique?
- Allons-nous nous adapter moralement au génie génétique?
- Allons-nous continuer à pouvoir connaître comme l'humanité l'a fait depuis cinq cent milles ans?
- [Les environnementalistes] ont raison de souligner l'importance majeure de l'enjeu de la Nature, mais comment considérer le défi technologique?
- L'enjeu, c'est l'information et la désinformation par l'excès d'information, c'est l'incapacité des structures politiques ou administratives, des hommes politiques et des doctrines politiques à rendre compte de la réalité actuelle de la mutation technique : y aura-t-il encore une politique autre que la politique spectacle?
- Quelle est, maintenant, par rapport aux techniques, la frontière entre le décidable et l'indécidable?

Je laisse la lectrice ou le lecteur méditer sur ces questions qui m'apparaissent essentielles.

Simon

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