Chaque
humain dispose d’une imagination, mais chaque groupement humain puise aussi à
même un imaginaire social partagé. Cette notion est centrale pour comprendre
notre monde actuel, et encore plus si on souhaite agir sur lui.
La revue Sciences
Humaines a consacré un dossier spécial à cette question dans son numéro de
janvier 1999. Je m’en inspire pour écrire les deux paragraphes qui suivent.
Si
on tente de résumer ce que les sciences humaines nous ont appris sur
l’imaginaire, on retient entre autres que :
- L’imaginaire (mythes, légendes, fictions, utopies) n’est souvent pas pris au sérieux par la Raison.
- Or, l’imaginaire est partout. Il meuble notre pensée et notre rapport au monde. L’imaginaire social contribue à fonder (ou à instituer) une société, puis à la faire tenir ensemble, à la souder.
- La force de l’imaginaire social peut expliquer le fait qu’il y ait, le plus souvent, une si grande cohérence et correspondance entre les exigences de l’ordre social et les motivations et comportements des individus (le processus de socialisation joue en ce sens un rôle primordial). C’est en s’appuyant sur un imaginaire social collectif (religions, idéologies, projets politiques, représentations sociales), qui sert de référent culturel commun, qu’on peut relier les humains et donner un sens à leurs actions.
- L’imaginaire repose sur des structures universelles qu’il faut décoder.
Sachant
cela, comment penser le changement dans une perspective macro-sociale ou
civilisationnelle?
- découvrir d’abord les fondements de l’imaginaire de la civilisation actuelle;
- entreprendre le processus de « décolonisation de notre imaginaire » pour être en mesure de penser le monde autrement;
- trouver les matériaux (idées mais surtout images) capables de remeubler le nouvel imaginaire qui pourra instituer un projet de société différent.
Pour
résumer et pour relier ces connaissances théoriques à la question pratique
posée dans ce cours Comment survivre au
progrès?, on peut retenir que l’imaginaire social typique de notre
civilisation actuelle est certainement peuplé d’idées et d’images comme le
progrès, la croissance, le développement, la consommation qui toutes devraient
assurer notre bonheur à partir d’une perspective néolibérale. Cet imaginaire
est maintenant fortement remis en question par une fraction de plus en plus
importante de la population qui lui adresse des critiques à partir de mots-clés
comme :
·
progrès = mot-poison
·
fuite en avant
·
pensée unique
·
dictature ou totalitarisme de l’économisme
·
démesure
·
barbarie consumériste
·
croissance de l’agressivité
·
croissance de la rupture (fracture) sociale et
augmentation des laissés pour compte
·
effondrement
·
polycrise et polycatastrophe
·
collapse, impasse, déclin
·
désenchantement
·
orientation suicidaire
S’instaure
alors les prémisses d’une logique de changement qui utilise un vocabulaire
différent fait de mots comme :
·
autolimitation, simplicité volontaire, frugalité
·
décroissance ou a-croissance
·
« prospérité-sans-croissance »
·
impératif catégorique de la transformation
·
inventer l’après-développement
·
transition
·
utopie
·
« faire un pas de côté »
·
conscience d’une « communauté de
destin » à l'échelle planétaire
·
principe de précaution
·
principe de responsabilité
·
principe d’espérance
·
Occupy
World Street
·
révolution
Voilà
pourquoi des agents de changement social ont un important travail de
décolonisation de l’imaginaire à faire avant d’espérer jeter les bases d’un
monde différent. Inutile d’ajouter que le travail sur l’imaginaire est une
tâche extrêmement ardue, mais le comprendre, c’est déjà d’avoir franchi une
étape…
Il est implicite qu'il faut décoloniser l'imaginaire pour le recoloniser dans une deuxième étape.
RépondreSupprimerTout un programme!
Simon